2011 : Le bilan très riche de deux années au Comité d’entreprise

25 août 2011 | Critique des médias, Militantisme

Présentation rédigée en mai 2018

Le document ci-dessous donne un aperçu des activités intenses et diverses que peut comporter un mandat syndical dans un domaine aussi sensible que le journalisme et au sein d’un paysage social aussi compliqué que celui qui existe en France. Les attributions du Comité d’entreprise, une institution qui est actuellement en train d’être radicalement remaniée pour ne pas dire abolie par le gouvernement anti-syndical d’Emmanuel Macron, permettait à ses membres élus d’examiner et de commenter non seulement les questions syndicales de base mais également la stratégie de l’entreprise. Selon la législation en vigueur à l’époque, la présence d’un CE était obligatoire dans toute entreprise ayant au moins 50 salariés, ce qui était bien entendu le cas à l’AFP. Et bien que son rôle ait surtout été consultatif, il pouvait être beaucoup plus qu’une simple caisse de résonance. Les compte-rendus du CE devaient être publics, ce qui peut être très utile pour la défense des intérêts des salariés. Pendant la période en question, et au delà, je me suis amplement servi des possibilités offertes par le CE, et de l’internet.
Mon mandat a été marqué non seulement par des questions à la fois politiques et économiques, mais également par un conflit très grave à l’intérieur de ma section syndicale. Au cours de l’été 2009, à peine élu, j’ai été attaqué de manière virulente par mes camarades syndicaux pour avoir créé une association « grand public » ayant pour but la défense des statuts de l’AFP, face à l’offensive de l’administration de Nicolas Sarkozy.
La vie syndicale était empoisonnée à tel point que j’estimais ne plus être en mesure de remplir la mission que les électeurs m’avaient confiée. Après avoir consulté un avocat j’ai pris une décision assez rare : quitter mon syndicat et adhérer à un autre en cours de mandat. De ce fait je me suis trouvé, en 2011, à chercher la réélection sous la bannière d’un autre syndicat que celui grâce auquel j’avais été élu deux ans plus tôt. Et puisque SUD-AFP, l’organisation que j’avais choisie, était un nouveau venu dans le paysage syndical à l’AFP, en butte à de fortes oppositions de la part des syndicats « établis », la tâche était loin d’être gagnée d’avance.
Afin de mettre toutes les chances de mon côté, j’ai donc décidé de présenter aux électeurs un bilan détaillé de mes actions. Je n’ai aucun doute que le présent document a contribué à mon élection en septembre 2011. Et en rédigeant cette note presque sept ans plus tard, je considère qu’il mérite de rester « en ligne ».


Comité d’entreprise de l’AFP : mandat 2009-2011. Bilan de David Sharp, candidat à sa réélection sur la liste «SUD-AFP»

Sommaire

Introduction

Syndicaliste actif à l’AFP depuis une dizaine d’années ; créateur en 2008 du site web «sos-afp.org» et de sa pétition pour la sauvegarde du statut de l’agence ; membre élu du Comité d’entreprise depuis avril 2009 : je me présente à nouveau aux élections de cette année sous l’étiquette «SUD-AFP».
Dans cette perspective je livre ci-dessous quelques aperçus de mon action au CE au cours d’une période particulièrement animée dans la vie sociale de l’AFP.
Rappelons que le Comité d’entreprise est un des acquis sociaux de la Libération ; élu démocratiquement par les salariés, il est «informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle» (Article 2323-6 du Code du Travail).
A l’AFP les séances mensuelles du CE donnent lieu à un compte rendu verbatim qui est publié sur le site intranet de l’Agence ; dans ce qui suit je cite un certain nombre d’extraits de ces documents, qui demeurent en général trop peu connus des salariés. Par ailleurs, vous trouverez à la fin de ce document des liens vers les comptes rendus que nous avons publiés après la plupart des réunions.
Pendant cette période d’un peu plus de deux ans je n’ai manqué aucune réunion du Comité et pense avoir été l’un des élus les plus actifs, portant la contradiction aux affirmations et surtout aux projets de la direction chaque fois que ces derniers me semblaient contraires aux intérêts du personnel.
Depuis septembre 2009, date à laquelle j’ai décidé d’adhérer au syndicat SUD-AFP, cette action a été amplifiée par un travail d’équipe particulièrement riche, notamment avec Claus Tulatz, délégué principal et l’un des fondateurs de SUD à l’AFP.
A noter que le travail du CE dont il est question ici est très loin de résumer la totalité de l’action syndicale au cours de cette période : vous ne trouverez rien dans ce bilan ni sur le combat que nous avons mené pour les retraites en 2010, ni sur les démarches multiples de mon syndicat sur le vote des étrangers lors de l’élection de nos représentants au CA, sur le vote des pigistes ou le combat des précaires. Pour en savoir plus sur tous ces éléments, et bien d’autres questions encore, voir notre site web à l’adresse https://www.sud-afp.org/ – sans oublier le site intersyndical www.sos-afp.org.
NB : Rédigé fin juin 2011 dans la perspective du 1er tour des élections professionnelles, le présent texte ne tient compte ni de la réunion du CE qui a eu lieu en juillet, ni de la nouvelle tempête qui a éclaté autour du Statut de l’AFP en de cette fin du mois d’août.
Si vous êtes électrice ou électeur journaliste, et si le présent texte correspond à votre idée de ce que doit être l’action syndicale au sein d’une entreprise comme l’AFP, je vous demande de voter pour les listes SUD lors du deuxième tour de l’élection, du 25 août au vendredi 23 septembre.

David Sharp, Paris, le jeudi 25 août 2011


Chronologie d’un mandat

  • Octobre 2008 : les représentants des pouvoirs publics au CA demandent au PDG Pierre Louette de faire des « propositions en vue d’une modernisation du statut de l’Agence » pour voir « dans quelle mesure il est possible de doter l’agence d’un actionnariat stable » ;
  • Novembre 2008 : Lancement de la pétition « SOS-AFP » et de son site web ;
  • Mars 2009 : Pierre Louette soumet au gouvernement un rapport visant à transformer l’AFP en «société nationale à capitaux publics» en modifiant son statut de 1957 ;
  • Avril 2009 : élections professionnelles et constitution d’un nouveau CE. Je suis élu sous l’étiquette «SNJ-CGT» ; dont la liste «CE» recueille 22% du total des voix exprimées ;
  • Mai 2009 : Le CE est consulté sur la signature d’un bail pour des locaux rue Vivienne. Opposé à ce projet, je m’abstiens lors du vote ;
  • Juillet 2009 : Avec d’autres salariés et des personnes externes à l’AFP, je lance une association de défense de l’indépendance de l’AFP ;
  • Septembre 2009 : durement critiqué au sein de ma section syndicale à cause de mon activité associative, je démissionne pour adhérer à SUD-AFP ;
  • Mars 2010 : démission subite de Pierre Louette ; je me porte candidat à sa succession afin de défendre le point du vue du personnel ;
  • Avril 2010 : Emmanuel Hoog élu à la présidence ;
  • Octobre 2010 : ayant décidé de poursuivre le déménagement d’une partie de la rédaction dans les nouveaux locaux de la rue Vivienne, Emmanuel Hoog menace de démissionner si le projet n’est pas approuvé dans les plus brefs délais par les instances représentatives ;
  • Décembre 2010 : Emmanuel Hoog présente au CE un «document stratégique» qui affirme son intention de fournir des contenus AFP directement au grand public ;
  • Mai 2011 : Le sénateur UMP Jacques Legendre publie une proposition de loi visant à modifier le Statut de 1957 sur de nombreux points – notamment la gouvernance, la mission d’intérêt général et la nature du contrat conclu entre l’AFP et l’Etat. Dans le mois qui suit l’AFP est secouée par deux grèves.
  • Du mardi 28 juin au vendredi 29 juillet 2011 : élections professionnelles à l’AFP ; SUD est reconnu comme syndicat représentatif, mais le quorum n’est pas atteint chez les journalistes, nécessitant un deuxième tour.
  • Du jeudi 25 août au vendredi 23 septembre 2011 : 2ème tour des élections professionnelles chez les journalistes ; je suis réélu sous l’étiquette «SUD-AFP» (Merci aux électeurs !)

Le rapport Louette | retour sommaire

Le rapport Louette, qui n’a été soumis aux élus du personnel qu’environ cinq semaines après sa remise au gouvernement, proposait de transformer l’AFP en «société nationale à capitaux publics» et de lancer une série de nouvelles activités dont la cohérence ne sautait pas aux yeux.
En soumettant ce projet, le PDG insistait beaucoup sur le besoin pour l’AFP de «se réinventer pour faire face aux mutations de l’information». Ayant participé, à la fin des années 1990, au lancement des premiers produits «Internet» de l’AFP, tout en gérant le contenu de son premier site web, j’étais en partie d’accord avec lui, tout en regrettant vivement son incapacité à analyser correctement les raisons du retard relatif de l’agence dans ces domaines.
A lire Pierre Louette, on pouvait penser que le principal obstacle à la modernisation de l’AFP était son Statut de 1957 ; alors que nous étions – et nous sommes encore – très nombreux à considérer que les véritables freins sont plutôt à rechercher du côté de ses directions successives !
Egalement très agaçant était le ton employé par M. Louette à l’égard de certains syndicalistes – dont moi-même – qu’il cherchait à dépeindre comme anti-modernes et réfractaires à tout changement.

Le CE du 17 septembre 2009 : le «salmigondis» du plan Louette

DS : Votre document de 30 pages, très honnêtement, pour moi et pour beaucoup, c’est un salmigondis de propositions vagues. Lors du dernier CE, nous avons mis le doigt sur le fait qu’il est question dans ce document d’un business plan précis qui devait, normalement, être préalable à la recherche de fonds, et vous nous avez dit: ce sera fait, vous l’aurez avant [NB : nous ne l’avons jamais reçu, et M. Louette a continué jusqu’à son départ à présenter un projet basé sur un «business plan» qui n’était pas encore écrit !]. Vous avez soumis ce projet à l’extérieur avant de nous le soumettre, ce qui à mon avis n’est pas loin d’une entrave, et vous vous étonnez que l’on vous parle d’opacité….
Pierre Louette : Ce n’est pas de l’opacité, c’est de l’incertitude, les mots ont un sens.
M. Louette ayant évoqué, et pas pour la première fois, des mots tels que «fantasmes» et «craintes» pour parler des réserves exprimées par les élus au sujet de son plan, je poursuis :
Les discours que vous faites sur l’avalanche de fantasmes, etc. sont assez fatigants à la longue. Ils me rappellent la phrase de Bertold Brecht: le gouvernement n’aime pas le peuple et aimerait le dissoudre afin d’en élire un autre. Nous sommes les représentants du personnel dans cette entreprise, nous ne sommes pas des imbéciles. Vous avez mis en avant un projet que nous désapprouvons, comme beaucoup. La pétition pour la défense de l’AFP a recueilli 18.500 signatures. Chacun a son point de vue, et ce n’est pas la peine de nous parler comme si nous étions des enfants.
Pierre LOUETTE : Moi je trouve que le mot «salmigondis» est un peu méprisant.


Stratégie : un jeu lancé sur Facebook | retour sommaire

Dans son plan, le PDG proposait le lancement de toute une série de nouvelles activités pour l’AFP ; il est également passé aux actes en créant, aux Etats-Unis, une filiale qui a développé et géré un «quiz» en anglais sur Facebook.

Le CE du 20 mai 2009 : « un foisonnement de projets en dehors du champ de l’Agence »

DS : Je reviens à mon propos, pour déplorer un foisonnement de projets en dehors du champ de l’Agence, et cela sans cohérence selon nous.
Ce qui m’a également beaucoup frappé, et ce avant même ce projet, c’est cette impression que vous donnez de ne pas croire au journalisme en tant que tel comme une activité économique digne et rentable. Cette idée d’adosser les activités de l’Agence… à toute une série d’activités plus ou moins farfelues, témoigne d’un manque de foi dans le journalisme.

Si le contenu de certaines des questions posées dans le cadre du quiz «Deadline» posait des problèmes déontologiques graves (cf. la question ci-dessous, qui tend à assimiler les habitants de la bande de Gaza à des trafiquants de Viagra et de drogues dures), je n’ai jamais pensé que l’AFP devait forcément s’abstenir de créer ce genre de produit en tant que tel.

Capture d'écran du jeu "Deadline" sur Facebook

Capture d’écran du jeu « Deadline » sur Facebook

Par contre, la décision de le créer aux Etats-Unis – qui plus est par le biais d’une filiale incorporée dans le Delaware, un état connu pour l’extrême libéralisme de son régime fiscal – posait des problèmes de cohérence et de suivi. Encore plus problématique était la décision très coûteuse de faire développer à San-Francisco une application spécifique de quiz – employant une technologie peu employée par les informaticiens du siège parisien.
Ayant connu un échec cuisant, ce produit a été retiré discrètement du site Facebook en août 2009 après environ deux ans d’activité. Nul doute que la direction Louette aurait préféré que cette affaire reste inconnue, ce qui aurait certainement été le cas si nous n’avions pas insisté, dans le cadre du CE, sur notre droit à l’information.
C’est ainsi que lors du CE du 17 décembre 2009 la direction nous a communiqué un document qui nous apprenait que «sur les deux premières années de son existence, (23 mois, d’août 2007 à juin 2009), la perte d’exploitation totale de Newzwag [le nom de la filiale en question], entièrement financée par l’AFP aura été de 2.240 kUSD, soit un peu moins de 1,6 million d’euros.»
Ce qui a donné lieu un peu plus tard, lors du Comité d’entreprise du 18 février 2010, à l’échange suivant avec M. Louette et Jean-Pierre Vignolle, à l’époque directeur-général de l’AFP :

DS : Je suis d’accord avec les efforts faits pour valoriser et faire payer nos productions sur Internet. Mais j’ai une idée pour réduire les charges. Nous avons 1,3 millions d’€ de déficit; quel dommage que nous ayons claqué 1,6 million d’€ sur 23 mois pour la filiale Newzwag, sans compter le salaire des 2 cadres [détachés des effectifs «siège» de l’AFP pour superviser la filiale].
Jean–Pierre VIGNOLLE : Ce que vous êtes en train de dire est très énervant. …/… Vous ne pouvez pas critiquer une Direction quand elle tente des voies de développement. Lorsque l’on tente une voie de développement, on échoue 1, 2 ou 3 fois sur 10, c’est la règle du jeu.
…/…
Pierre LOUETTE : Je souhaite, M. Sharp, que l’on n’emploie pas des mots comme « claquer« . Nous n’allons pas nous demander les uns aux autres pourquoi nous « claquons » de l’argent. Cela serait vite gênant.
DS : Je vais éviter de répéter ce mot. Je souhaite parler d’autres possibilités de réduire les frais. Nous constatons une production intense de documents, d’études et de brochures par des consultants extérieurs…./… Il y a une démarche de marketing, y compris en direction du personnel : nous avons récemment découvert des écrans ici et là dans l’immeuble, accompagnés de brochures en papier glacé, qui sont destinées aux salariés.

En effet, la Direction Louette, comme celle d’Emmanuel Hoog qui l’a suivi, adoptait une approche résolument «marketing», y compris pour sa communication avec les salariés.
A cette époque on a même vu fleurir dans nos locaux un slogan particulièrement creux – et pas très original : «C’est déjà demain» !


Le déménagement rue Vivienne | retour sommaire

A l’exception des tentatives de Pierre Louette puis d’Emmanuel Hoog de casser le Statut de l’AFP, le déménagement d’une partie de la rédaction dans des locaux loués à 50 mètres du siège constitue à mon sens l’événement le plus lourd de conséquences de ces deux ans.

Le 20 mai 2009 le Comité d’entreprise a été informé et consulté sur le projet de signer un bail pour des locaux rue Vivienne, où il était question de créer un «grand plateau multimédia» qui selon la direction ne pouvait pas être installé dans les locaux historiques du siège. (Cf ci-contre, des images tirées du document présenté par la direction à l’appui de ce projet).
J’ai été seul parmi les élus à ne pas voter en faveur de ce projet. Je me suis abstenu, en mettant en avant les arguments suivants :

Je ne prends pas position sur la question des locaux mais je ferai quelques remarques sur la logique industrielle de ce projet telle que je l’ai comprise. Autant nous sommes pour le projet [technico-rédactionnel] 4XML, autant nous émettons des réserves importantes sur cette logique qui veut placer le multimédia totalement en amont de la production, logique dans laquelle le projet dont nous parlons s’inscrit.
…/… Nous sommes contents de ne pas déménager [loin du centre de Paris, menace brandie par Pierre Louette à l’époque], mais je suis tout de même surpris de voir que le cœur de la rédaction devrait être installé dans un bâtiment à côté du siège. Je m’interroge, et je ne suis pas convaincu de la nécessité absolue de tout bouleverser dans un big-bang, qui me parait présenter un haut risque.

Un regret, par la suite : de ne pas avoir eu la présence d’esprit de proposer une suspension de séance juste avant le vote sur la signature de ce bail. J’aurais peut-être pu convaincre les autres élus, ou du moins une majorité d’entre eux, de la dangerosité de cette décision.
Lors d’une séance extraordinaire le 30 juin 2009, les élus du CE ont pu visiter les locaux loués rue Vivienne. Voici mes commentaires lors du débat qui a suivi cette visite :

… Vous nous avez vendu cela comme l’assemblage de deux énormes plateaux…/… mais en réalité c’est tout de même plusieurs espaces très distincts. En outre, il n’y a pas de passages ouverts entre le rez-de-chaussée et le premier étage…/… cela signifie qu’il n’y aura pas un grand centre névralgique, mais deux.
…/…vous proposez également de couper en deux entités distinctes une rédaction française qui, hormis des miettes ici ou là, est actuellement unifiée… Je ne vois pas la moindre unicité. Surtout, on est vraiment dans un autre lieu, on n’est pas place de la Bourse.
…/…Ce projet, selon moi, fait partie intégrante du projet de casse du Statut, dont il est question en ce moment. Il est basé sur l’idée, exposée explicitement dans le document de Pierre Louette, que le multimédia doit être situé en amont de tout le processus de production de l’AFP. J’ai de très fortes réserves, que j’ai déjà exprimées, sur cette idée.
…/… Je considère que dans l’information de presse et le journalisme en général, le texte reste le mode d’expression prioritaire. Il ne s’agit pas de dénigrer les autres métiers, mais dans la matière première que nous traitons, l’information, dont ont besoin les citoyens, on trouvera toujours du texte, alors qu’on n’y trouvera pas nécessairement une image ou une vidéo. On ne peut rien faire sans texte.

Suite à la démission de Pierre Louette et l’élection d’Emmanuel Hoog – jusque là PDG de l’Institut National de l’Audiovisuel – on a assez vite compris que ce dernier avait l’intention de procéder coûte que coûte au déménagement voulu par son prédécesseur.
Lors du CE du 17 juin 2010, j’ai fait la déclaration suivante :

C’est paradoxal. Vous êtes arrivé en disant que vous aviez besoin de vous imbiber de la culture de l’Entreprise et de sa situation très complexe, qui est assez différente de celle que vous dirigiez avant, car elle n’est pas qu’une institution de stock de données et d’informations, mais une entreprise de flux, une entreprise médiatique, qui joue un rôle très important dans l’actualité et dans la présentation aux Français et au monde de l’information de presse. Elle travaille 24 heures sur 24, joue un rôle très sensible, et je pense que la comparaison avec le déménagement de l’INA n’est pas nécessairement pertinente. Vous avez dit que vous vouliez passer quelques mois à comprendre la situation pour vous orienter, mais après à peine un mois, vous endossez l’une des décisions les plus controversées et dangereuses de votre prédécesseur. Je pense que c’est une erreur, nous sommes nombreux ici à le penser, et nous savons que le personnel est nombreux à le penser.

Quelques mois plus tard, j’ai posé à Emmanuel Hoog la question suivante concernant le déménagement :

Pouvez-vous nous dire que, au cas où il apparaît clairement que ça ne marche pas, on pourrait imaginer un changement de scénario qui nous permette de réunir à nouveau les services de production journalistiques de Paris dans cet immeuble [place de la Bourse] ? À quel moment tout cela sera-t-il inscrit dans le marbre ? Est-ce que vous envisagez, si l’on s’aperçoit que la Direction s’est trompée, qu’on puisse changer notre fusil d’épaule ?
Réponse du PDG : «Ce n’est pas une hypothèse que je retiens aujourd’hui».

Presque un an après cette décision «à la hussarde», la question de la légitimité de ce déménagement est toujours d’actualité. D’autant que l’installation dans l’immeuble du siège rénové de nombreux autres services – dont le Comité d’entreprise – pose aussi des problèmes quasiment insolubles.


Effectifs, précarité | retour sommaire

Tous les trois mois, la loi prévoit que la direction d’une entreprise présente au Comité d’entreprise des informations sur l’évolution des effectifs.
En octobre 2009, la présentation de ces chiffres coïncidait avec un fort mouvement de mécontentement parmi les journalistes à propos de l’absence d’embauches et le nombre élevé de salariés condamnés à de nombreuses années de précarité, notamment par la biais de contrats à durée déterminée (CDD). Lors de la réunion du 22 octobre 2009, j’ai fait le commentaire suivant :

J’ai comparé les derniers effectifs avec ceux fournis en 2006 dans le cadre du Comité d’entreprise. Au 31 décembre 2005, on dénombrait au total 1 428 salariés statut siège à l’AFP dont 72 CDD. Parmi eux, on décomptait 842 journalistes do

nt 49 CDD. Présentement, à un peu moins de quatre ans d’intervalle, l’effectif se monte à 1 327 salariés au total dont 870 journalistes (778 CDI et 22 CDD). La baisse de l’effectif s’avère donc assez importante. Comme vous le savez, un fort mouvement de mécontentement se développe actuellement au

sein du personnel concernant le sort des CDD, pigistes et autres précaires. Dans un communiqué publié ce matin, l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, SNJ, SUD CFE-CGC) note que dans la période mentionnée par la Direction, 2006-2008, de nouveaux services et produits qui rapportent du chiffre d’affaires ont été créés et/ou développés, et cela sans création de poste ; au contraire le nombre de postes décroît dans l’Agence.
Comment une entreprise de main d’œuvre peut-elle continuellement créer de nouveaux services et demander de nouvelles tâches aux salariés (notamment aux journalistes) tout en réduisant continuellement ses effectifs ?

Un peu plus d’un an plus tard, lors de la réunion du 11 février 2011, on a constaté une baisse des effectifs totaux «CDI statut de siège» en dessous de la barre de 1.300, pour atteindre 1.299 en fin d’année. (Cf. tableaux ci contre).

Mon commentaire :

Ce que je constate à chaque fois, c’est que nous sommes dans une entreprise qui aborde sans cesse de nouvelles activités, de nouveaux métiers, de nouveaux services. Et nous le faisons depuis des années avec un personnel en CDI qui a tendance à la marge à diminuer. Je pense donc qu’il y a une armée invisible, dont il est question maintenant dans les discussions, que sont les précaires, les pigistes, le personnel au statut local à l’étranger, dont certains devraient avoir le statut siège, mais qui ont accepté d’avoir un statut local parce qu’ils ne voyaient pas d’autre possibilité d’évoluer. La conclusion que je tire, et qui ressortira peut-être de l’expertise sociale, c’est qu’il y a une nette augmentation de la précarité mais aussi de l’intensité du travail dans beaucoup de services, et notamment de nouveaux services à l’AFP.
…/… Si on veut résorber la précarité, il faudrait qu’on augmente la masse salariale, donc qu’on sorte du carcan imposé [par le contrat d’objectifs et de moyens avec l’Etat], car nous sommes une activité de main-d’œuvre.


Licenciements brutaux de plusieurs journalistes | retour sommaire

Début novembre 2009, les deux journalistes qui avaient assuré la couverture de l’AFP au bureau de Sarajevo depuis de nombreuses années, y compris au plus fort de la guerre de l’ex-Yougoslavie, ont été licenciées sans ménagement, touchant une faible indemnité qui aurait été impensable en France. Prétexte de ces licenciements, la décision de «fermer» le bureau en question : inutile d’ajouter qu’il a été rapidement rouvert par la suite….
Lors de la réunion du 19 novembre 2009 j’ai déclaré :

Nous avons été très surpris du licenciement injustifié de salariés de longue date et de la réouverture du bureau, apparemment décidée par la Direction. Nous avons l’impression que le bureau a été fermé pour se débarrasser de deux personnes, de manière assez honteuse.

Inutile de dire que les journalistes en question, des Bosniaques anglophones, étaient sous statut local : ayant des contrats de droit non-français elles ne tombaient pas dans le périmètre «légal» des syndicats tels que SUD-AFP. Ce qui ne constitue nullement, de notre point de vue, une raison de ne pas les défendre !
Autre cas de figure, le 13 avril 2011, la direction a subitement licencié un journaliste «statut de siège» du Service des sports ayant 30 années d’ancienneté suite à un échange assez vif avec un responsable de son service.
Pour beaucoup de salariés, et pour l’ensemble des syndicats, ce licenciement constituait une ligne jaune à ne pas franchir. Une pétition interne contre cette mesure a recueilli 200 signatures.
Lors du Comité d’entreprise du 10 mai, j’ai dit ceci :

Nous sommes bien entendu d’accord avec ce qui vient d’être dit par Maria Carmona [déléguée CGT]. Cette sanction est disproportionnée et, comme il a déjà été dit plusieurs fois, si on sanctionnait tous les travers de ce type de manière cohérente et logique, on n’en finirait jamais à l’AFP, qui est une entreprise de journalisme, donc d’expression. Évidemment, il n’est pas souhaitable qu’il y ait des échanges comme ceux qui se sont produits, mais c’est presque inévitable et je crois que l’histoire de l’AFP est émaillée de tels incidents, y compris parfois du fait de la Direction. Je trouve que c’est vraiment très regrettable.

Tout comme l’affaire des journalistes de Sarajevo, ce licenciement fait partie des «dossiers à suivre» pendant le prochain mandat du CE…


L’activité «corporate», les filiales «Relaxnews», etc. | retour sommaire

La réunion du 17 décembre 2009 comportait un point sur la filiale «AFP Services», créée pour s’occuper de ce qu’on appelle habituellement les activités «corporate», notamment dans les domaines de la photo et de la vidéo.
Mon commentaire :

Ce ne sera pas une surprise, je suis totalement contre ce projet, que je trouve extrêmement choquant. Une partie du salariat va échapper à la maison mère et au champ du Comité d’entreprise. Ce projet va dans le sens du toujours plus de contenus « publicité–compatibles ». Je fais remarquer…/… que le sigle AFP est déjà attaché à des entreprises: AFP RelaxNews, et AFP Paris Modes, dont les vidéos sont à mes yeux de la publicité rédactionnelle, pour des marques de mode. Il s’agira de faire travailler les journalistes de la maison, pour la photographie, le texte et la vidéo, et donc la disponibilité de notre force de travail va être allouée à des tâches qui n’ont rien à voir avec le métier de journaliste. Cela se traduira soit par une augmentation de la charge de travail, soit par une diminution de notre disponibilité pour couvrir certains événements. Il faudra faire plus avec les mêmes moyens ou avec moins. Je trouve cela scandaleux.


Démocratie syndicale | retour sommaire

Au cours de l’année 2009, la pétition «SOS-AFP» a occupé une bonne partie de mon temps. Il s’agissait principalement d’un travail d’équipe avec mon collègue et ami Jean-Michel Cadiot ; lui collé à son téléphone et arpentant les manifestations diverses et variées pour récolter les milliers de signatures et moi gérant le site web, y compris pour y intégrer les très nombreuses signatures que Jean-Michel recueillait sur support papier ou au téléphone.
Cette activité «grand public» n’a pas été du goût de certains de mes camarades syndicaux, qui insistaient sur une action plus «pure et dure» centrée sur une grève des salariés de l’AFP. Pour ce qui me concerne, je considérais et je considère toujours que les deux types d’action n’étaient nullement incompatibles. Surtout, sachant que le travail de l’AFP intéresse l’ensemble des citoyens, il est même indispensable d’avoir une démarche en leur direction.
Lorsqu’en juillet 2009 nous avons décidé de fonder une «Association de défense de l’indépendance de l’AFP», j’ai subi des attaques virulentes à l’intérieur de ma section syndicale CGT, avec notamment un appel à ma démission en tant qu’élu du CE.
Ces attaques et cet appel n’ont à aucun moment été contrés par les responsables de la section. Me trouvant de plus en plus marginalisé, j’ai fini par me résoudre à changer de syndicat, option qui reste ouverte à un membre du CE même s’il a été élu sur une liste.
Voici un extrait du texte que j’ai publié à cette occasion :

J’ai pris la décision de quitter mon syndicat pour adhérer à un autre, tout en restant membre du Comité d’entreprise….
De tels changements en cours de mandat sont certes rares mais pas sans précédent, y compris à l’AFP.
Rappelons qu’en octobre 2004 ce n’était pas un seul représentant de la CFDT mais l’ensemble de ses élus de toutes les catégories – CE, délégués du personnel et Comité hygiène et sécurité – qui ont rejoint un autre syndicat, emportant leurs mandats avec eux. [cf. «Pourquoi nous quittons la CFDT et rejoignons la CGT» octobre 2004.]
Même si vos représentants au CE sont élus sur des listes syndicales, leur action doit dans la mesure du possible être collective, c’est à dire intersyndicale. La division, la dispersion et le sectarisme ne profitent qu’à la direction et à ceux qui la soutiennent.
Le syndicat que je rejoins, tout comme celui que je quitte, refuse toute concession ou compromis dans la défense du statut actuel de l’AFP et des intérêts de ses salariés. Ce sont ces principes qui continueront à motiver mes votes au Comité d’entreprise.
Il ne sera nullement question pour moi de participer à un quelconque front ou alliance destiné à bouleverser l’équilibre au sein du Comité issu des dernières élections.
La concertation permanente et démocratique restera la priorité absolue. Cette exigence est particulièrement importante dans le conflit actuel autour de l’avenir de l’AFP…
Le sigle SUD signifie «Solidaires, Unitaires et Démocratiques».
Je comprends bien que ma décision de rejoindre SUD-AFP ne fera pas plaisir à tout le monde, mais je suis convaincu qu’en fin de compte les déçus se trouveront surtout du côté des défenseurs du projet Louette, et non pas dans notre propre camp !

Dix-huit mois plus tard je pense avoir tenu la promesse de ne pas rompre l’unité avec les principaux syndicats «de combat» à l’AFP, et notamment avec la CGT.
Par contre, j’ai pu vérifier que la démocratie interne, et ce à tous les niveaux, est un bien précieux. Pour la première fois en une dizaine d’années d’action syndicale j’ai eu le droit, à deux reprises depuis mon adhésion à SUD, de voter pour le renouvellement de mon délégué plutôt que de me le voir imposé sans débat et sans possibilité de contestation !


Mars-avril 2010 : changement de PDG | retour sommaire

Pierre Louette a subitement annoncé sa démission en tant que PDG alors que la tempête soulevée par son plan battait son plein. Lors de la réunion du Comité d’entreprise du 18 mars 2010 j’ai dit ceci :

Le mois dernier, nous examinions des projets qui allaient apparemment bouleverser l’équilibre, la déontologie et les principes de notre Agence, (…) pour le moins controversé, qui a soulevé une opposition non seulement de tous les syndicats, mais, je pense aussi, d’une grande majorité du personnel. Et, là, tout à coup, vous partez !
…/…très honnêtement, j’ai du mal à interpréter cela autrement que comme un échec. Nous avons lancé une pétition qui a recueilli 21 000 signatures, dont celles de très nombreux parlementaires. Nous arrivons dans une période politique où, comme nous le savons tous, il sera de plus en plus difficile, pour le Gouvernement en place, de faire des réformes radicales, notamment touchant à quelque chose d’aussi sensible que les médias. On vous a nommé un comité d’experts, alors que vous pensiez passer avec votre projet il y a déjà presque un an. Donc, pour moi, il s’agit d’un échec.
En outre, malgré cet échec, vous partez dans une entreprise où – c’est bien connu, vous l’avez dit – on croit savoir que votre salaire sera autrement plus élevé que celui que vous avez touché ici.
Pierre LOUETTE : Ce n’est pas un échec.
DS : Pour moi, c’est le symbole d’un système, parce que nous savons que les personnes qui sont licenciées, les journalistes à Sarajevo, les jeunes qui n’arrivent pas à avoir un travail ou les personnes dont le CDD n’est pas renouvelé, n’ont pas l’occasion de toucher le « jackpot » en allant dans une entreprise, comme ça ; donc, je trouve cela très choquant.
Pierre LOUETTE : Je ne suis pas surpris que vous soyez très choqué.

Lors de cette même réunion du 18 mars 2010 j’ai annoncé ma candidature au poste de M. Louette :

J’ai décidé de me porter candidat au poste de PDG de l’AFP afin de défendre les valeurs d’indépendance exprimées par la pétition intersyndicale SOS-AFP, d’exiger le maintien du statut de 1957, de montrer, face à la pensée unique exprimée par le PDG sortant, qu’un autre développement de l’Agence est non seulement possible, mais nécessaire, de proposer des pistes de réflexion face aux défis d’internet et de la mondialisation, et enfin pour faire avancer les intérêts matériels et moraux des personnels de l’Agence de toutes catégories et dans le monde entier.

Les principaux documents concernant ma candidature peuvent être consultés ailleurs sur ce site. J’estime que la plupart de mes propositions restent d’actualité aujourd’hui.


Emmanuel Hoog présente son document stratégique | retour sommaire

Tout comme son prédécesseur, notre nouveau PDG a présenté un rapport dans lequel il prétendait définir une stratégie cohérente pour l’AFP. Il nous a soumis ce document lors de la réunion du 16 décembre 2010, mais puisqu’il a insisté pour employer un logiciel de diapositives pour afficher et commenter un texte fort long, son exposé a duré plus de deux heures et demie et nous n’avons donc pas eu le temps de mener un véritable débat !
J’ai néanmoins trouvé le temps de dire ceci :

Contrairement à [un autre élu], je vais avoir la présomption d’émettre un avis sur l’ensemble de ce document, que j’ai trouvé le temps de lire depuis hier soir. Ce n’est pas tout à fait la première fois qu’on nous présente un document de ce type, car celui-ci me rappelle sur beaucoup de points le document de Pierre Louette. Il reprend même à mon avis certaines erreurs du document de M. Louette…/… Ce document est assez fouillé, mais à mon sens également assez confus. …Dans la mesure où ce document est stratégique, la stratégie est erronée et incohérente au sens où elle n’est pas cohérente avec les statuts de l’AFP, ni à mon sens avec les intérêts commerciaux et économiques de l’Agence. Il y a tellement de points que je ne peux pas tous les traiter. Je vais essayer de trouver quelques points généraux.
Des lacunes : je m’attendais à un développement sur ce que sont les objectifs de l’AFP et ce que nous produisons. Nous avons actuellement un certain nombre de débats à l’intérieur de l’Agence, qui parfois débordent à l’extérieur, c’est inévitable, sur le rédactionnel, ce que nous faisons ; qu’est-ce qu’une information ? Qu’est-ce qui fait partie du spectacle et qu’est-ce qui fait partie de l’information qui fait avancer la démocratie, comme on le dit ici ? …/… On ne peut pas éviter de se les poser, ces questions. Autre lacune dans la suite de l’affaire Louette, il y a eu un certain nombre d’évolutions, je pense notamment au fameux jeu sur Facebook lancé à grands frais – de mémoire 1,6 million d’euros – puis abandonné. Il y a eu le fameux déménagement : je suis étonné de ne pas voir dans ce document une suite de la réflexion sur l’organisation rédactionnelle de l’AFP.
Sur le plan économique et sur le plan de notre public. Quel est notre public ? Ce n’est pas écrit dans le statut noir sur blanc, mais je pense qu’il y a tout lieu de penser que l’audience de l’AFP doit être l’ensemble de la population en mesure de lire ou d’écouter ou de regarder. On voit, tout d’abord avec Louette, que ce n’est plus l’ensemble de la population, mais la population connectée à Internet, qui commence à être considérée de fait comme l’ensemble de l’audience. Or, les internautes ne sont qu’une minorité de la population mondiale….

NB : marqué «confidentiel», le document dans lequel Emmanuel Hoog a cherché à définir des orientations stratégiques pour l’AFP n’est pas disponible sur Internet. Les salariés peuvent cependant le trouver sur l’intranet, en français et en anglais.
A noter également, un article de Vincent Truffy sur Mediapart, sans oublier le compte rendu SUD de la réunion du 16 décembre 2010.


L’AFP et la publicité : les mauvaises fréquentations | retour sommaire

En haut, une vidéo montrant le dénuement des civils piégés par la guerre au Sri-Lanka, en avril 2009. Incrustée sur l’image, une publicité pour un régime de perte de poids «africain». Au centre, la version anglaise d’une interview de Bernard Thibault par l’AFP le 23 septembre 2010 ; le nom du dirigeant syndical est dissimulé par une publicité pour un plan de retraite privée pour riches expatriés.
 Enfin, la vidéo d’une interview du cinéaste Claude Lelouch, en février 2010, est incrustée d’une réclame d’un groupe de la droite américaine qui cherchait à l’époque à contrer les réformes du système de santé américain du Président Barack Obama.

Des captures d’écran de vidéos AFP recueillies sur «YouTube»

En avril 2008, j’ai rédigé pour le syndicat SNJ-CGT de l’AFP une saisine du Conseil supérieur de l’Agence concernant la possibilité pour celle-ci de récolter directement des recettes publicitaires. (Le texte soumis au Conseil peut être téléchargé à partir de ce site).
La plainte, qui a malheureusement été rejetée par le Conseil, invoquait d’une part un point de principe – la dépendance par rapport aux recettes publicitaires est de nature à influencer le contenu des services de l’agence, violant de ce fait l’Article 2 de son Statut – et d’autre part un argument commercial : en accaparant des recettes publicitaires qui normalement iraient vers ses clients, l’AFP fragilise sa propre logique de grossiste, sciant en quelque sorte la branche sur laquelle elle est assise. Autre argument de poids : étant notoirement cycliques, les recettes publicitaires ne constituent pas une base satisfaisante pour assurer la pérennité d’un grand organe de presse.
Malgré l’échec de la saisine, j’ai continué à m’opposer, au CE, aux contrats sans cesse plus nombreux qui lient les recettes commerciales de l’AFP aux revenus publicitaires.
Particulièrement emblématiques, pour ne pas dire choquantes à mes yeux, sont les images publicitaires qui accompagnent dorénavant les vidéos AFP qui sont livrées gratuitement aux internautes sur des sites tels que «YouTube» et «DailyMotion». (exemples ci-contre et page suivante)
En préparant le CE du 24 septembre 2010, en pleine tempête de la réforme des retraites en France, je suis tombé sur un exemple particulièrement parlant, que j’ai tenu à évoquer lors de la réunion :

DS : Sur le contenu de l’information, qui semble toujours oublié dans les débats techniques sur la livraison de l’Information, sur Internet, j’ai sous les yeux un exemple, que j’ai imprimé en quelques exemplaires. C’est la vidéo des manifestations sur les retraites faite en anglais par l’AFP. Comme nous le savons, l’AFP fournit gratuitement des vidéos au grand public sur YouTube, et dans la version anglaise de cette vidéo, qui n’est pas passée dans les pages en français de l’AFP sur YouTube, on voit des publicités s’incruster sur l’image. Sur l’image de Bernard Thibault qui parle à l’AFP, on voit une publicité Google pour des plans de retraites destinés aux expatriés «off-shore». Ne sommes-nous pas en train de dénaturer l’information ?
…/…
Emmanuel HOOG : Je regrette ce cas. Nous regarderons comment cela s’est produit et nous veillerons à ce que ça ne se reproduise pas. Mais il y a un point que je voudrais relever dans votre propos. Ce n’est pas qu’une affaire commerciale, et il y a parmi mes interlocuteurs beaucoup de gens qui sont sensibles à l’idée que l’Agence doit avoir une dimension grand public.

La suite, au CE du 20 octobre 2010 (cf. aussi le compte-rendu SUD de cette réunion) :

DS : La dernière fois, je vous ai montré une capture d’écran d’une vidéo AFP sur YouTube avec une publicité pour des retraites privées «offshore» incrustée sur une interview de Bernard Thibault. Vous avez répondu que vous alliez essayer de comprendre comment cela s’était produit et que vous alliez veiller à ce que cela ne se reproduise pas. J’ai l’impression que rien n’a changé, mais je voulais savoir ce qu’il en était.

Malgré la déclaration de M. Hoog, à notre connaissance rien n’a été fait pour enquêter ni sur la présentation de la vidéo de Bernard Thibault, ni sur les nombreux autres exemples de «liaisons dangereuses» entre l’AFP et les recettes publicitaires. Ci-contre, des captures d’écran de vidéos AFP recueillies sur «YouTube». En haut, une vidéo montrant le dénuement des civils piégés par la guerre au Sri-Lanka, en avril 2009. Incrustée sur l’image, une publicité pour un régime de perte de poids «africain».
Ensuite, la version anglaise d’une interview de Bernard Thibault par l’AFP le 23 septembre 2010 ; le nom du dirigeant syndical est dissimulé par une publicité pour un plan de retraite privée pour riches expatriés.
Enfin, la vidéo d’une interview du cinéaste Claude Lelouch, en février 2010, est incrustée d’une réclame d’un groupe de la droite américaine qui cherchait à l’époque à contrer les réformes du système de santé américain du Président Barack Obama.
Ce recours croissant aux recettes publicitaires pour financer des contenus livrés gratuitement par l’AFP sur Internet n’est hélas pas nouveau : depuis longtemps les contrats qui lient l’agence à certains grands sites tels que Yahoo comportent une part variable qui dépend de la pub.
Mais cette politique prend un relief particulier sous la présidence d’Emmanuel Hoog, qui a fait de la livraison de produits AFP directement au grand public un de ses chevaux de bataille.
Il est également piquant de remarquer que l’exposé des motifs de la proposition de loi Legendre sur le Statut de l’AFP (mai 2011), contient la mise au point suivante :
«…toute perspective de mise à disposition d’une information en français, à titre gratuit, par l’AFP auprès du grand public, en France, semble incompatible avec sa qualité d’agence de presse définie par l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 dans les termes suivants : « sont considérées comme agences de presse, au sens de la présente ordonnance, les organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages, photographies et tous autres éléments de rédaction et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures ». De plus, l’article 3 de l’ordonnance précitée interdit explicitement la fourniture d’information à titre gratuit par une agence de presse aux journaux et périodiques.
«En outre, la mise en place par l’AFP d’un accès gratuit à l’information rédigée en français au bénéfice du grand public en France pourrait impliquer un éventuel financement publicitaire pour les investissements et le fonctionnement de ce fil. Or, l’AFP n’a pas vocation à recevoir des recettes publicitaires, en vertu de l’article 3 de l’ordonnance précitée qui dispose que « les agences de presse ne peuvent se livrer à aucune forme de publicité en faveur des tiers ».
J’espère que lors d’une prochaine réunion du Comité d’entreprise, le PDG précisera sa pensée sur ces questions – et donnera également sa réponse à la question que j’ai posée lors de la réunion du 24 septembre 2010.

Ci-dessous, quelques autres exemples de « mélange des genres » dans la présentation des vidéos AFP sur Internet :


Facebook et l’opossum qui louche | retour sommaire

Emmanuel Hoog considère le lancement par l’AFP de pages «Facebook» en français et en anglais comme une initiative stratégique. Sans forcément condamner l’initiative en tant que telle, je ne suis d’accord ni avec son caractère stratégique ni avec la formule choisie pour la lancer. Je l’ai dit lors de cette même réunion du 16 décembre 2010, prenant comme exemple la présentation dans la page «Facebook» de l’agence d’une photo animalière insolite :

«Vous avez plusieurs personnes qui sont maintenant mobilisées pour entretenir des pages sur Facebook et Twitter. Est-ce que ces personnes se sont penchées sur le cas de l’opossum du zoo de Leipzig qui louche ? 17 internautes «aiment» cette photo ! Ce sont des produits qui sont revus non seulement par le desk multimédia, mais aussi par une personne à la rédaction en chef ainsi que par la rédaction en chef en tant que telle ! Je ne dis pas que c’est inintéressant pour l’AFP de publier la photo de l’opossum qui louche… Mais qu’on ait des gens chargés de gérer les échanges avec les internautes ; le premier dit « il est en train de pousser », le deuxième dit « il est en train de chier ! », un autre demande combien il pèse… Est-ce que l’AFP – qui intervient ici en tant qu’Agence France Presse – va poster un message pour dire « l’opossum pèse tant » ? Parmi les 17 personnes qui «aiment» cette photo, il y en a une qui l’aime tellement qu’elle a copié l’image pour en faire l’icône de son profil Facebook. C’est permis ou ce n’est pas permis ? En tout cas, quel est le but ? Cette histoire de Facebook …/… n’a rien à voir avec la stratégie de l’AFP. Ce ne sont pas les gens qui fréquentent Facebook qui vont acheter les produits de l’AFP.»

Sur ces questions, cf. également le compte rendu SUD daté du 21 décembre 2010 (« Accès gratuit à l’opossum qui louche ».


Le multimédia et la logique des desks texte | retour sommaire

La réunion du 11 février 2011 a vu un premier échange sur une «expérimentation» lancée par la direction – sans consultation préalable des instances représentatives – afin de faire fabriquer certaines rubriques du Journal Internet non plus au sein du Desk multimédia, mais sur les desks «texte» généralistes.
Voici ce que j’ai déclaré à ce sujet, sur la base d’un texte présenté par la direction :

Cette expérience comme vous l’appelez est fortement contestée, ce qui tend à montrer que l’expérience elle-même aurait dû faire l’objet d’une information-consultation du Comité d’entreprise, tout simplement. Moi, quand je lis votre texte, je relève tout de même des paradoxes : vous rappelez que le groupe de travail a préconisé la mise en place d’un pôle d’édition multimédia, dans un texte dont le but est de faire éclater ce pôle, tel que je le comprends…/… D’après votre propre texte, vous parlez d’une activité qui représente aujourd’hui 7% du chiffre d’affaires. Vous mettez comme toujours l’accent sur la croissance de ce chiffre, mais cela reste 7%, pas 30% ou 40%. Vous dites «un mouvement naturel de rapprochement de la production filaire et multimédia». Pourquoi ce mouvement serait-il « naturel » ? Rien de ce dont nous parlons n’est naturel. Il n’est écrit nulle part dans les lois de la physique ou de la sémantique que les productions filaires et multimédia doivent converger pour se dissoudre les unes dans les autres. Cela ne va pas de soi…


Conclusion : de nouvelles luttes en perspective ! | retour sommaire

Tant d’affaires à discuter, à analyser : on voit bien que les échanges en Comité d’entreprise sont riches et importants pour la marche d’une entreprise, surtout lorsque celle-ci relève, comme c’est le cas de l’AFP, d’une véritable mission d’intérêt général !
Les PDG – je pense notamment à Pierre Louette – qui ont cherché à dépeindre les syndicalistes qui s’opposent à certains de leurs projets de développement comme des fossiles anti-modernes sortis d’un autre âge commettent une grave erreur.
Tout comme certains syndicalistes AFP, qui avalent de manière acritique les arguments en termes de «modernité» sans mesurer les pièges que peuvent recéler les technologies d’Internet : non seulement pour le développement technologique de l’entreprise mais aussi et surtout pour les intérêts des salariés qu’ils sont censés défendre.
Exemple : combien de jeunes à l’AFP sont exploités de manière éhontée, notamment sous des contrats CDD à répétition ou des contrats de piges employés en dépit du droit – sous prétexte d’accéder à la «modernité» en travaillant sur Internet ou au Service vidéo ?
Ces questions, comme celle du Statut qui reviendra peut-être sur le devant de la scène en octobre, vont continuer à fournir du grain à moudre aux élus du Comité d’entreprise comme aux autres représentants du personnel. Le prochain mandat, cette fois-ci de trois ans au lieu de deux, promet d’être tout aussi passionnant que celui qui s’achève !

A suivre – si vous les électeurs le voulez bien…
Paris, le mardi 25 août 2011

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